0222 Les Jours DAprès (Partie 2).
Le lendemain, vendredi, je me réveille avec une gueule de bois, lhumeur maussade. Je nai aucune raison de me sentir à ce point au fond du trou, mais cest pourtant le cas. Je narrive pas à me débarrasser de ce sentiment de mal-être.
Je passe la matinée à écouter les deux cd de Starmania. Je retrouve le bonheur de la première écoute à la radio. Je découvre dautres chansons que je ne connaissais pas. Pour la première fois, jécoute toute lhistoire en continu, et je suis frappé par son intense beauté. Par les mélodies, les arrangements, les voix. Et les textes, surtout les textes. Prémonitoires, parodiant et critiquant avec finesse et acuité notre monde moderne.
Entre deux chansons, je pense à Jérém.
Entre deux autres, je pense à Thibault. Toujours pas de coup de fil. Jai toujours du mal à accepter davoir perdu son amitié. Quel gâchis !
Laprès-midi, je vais courir sur le canal. Ça me fait du bien. En quelque sorte, je le retrouve, après lavoir pas mal lâché depuis quelques semaines. Et je lui dis également au revoir, car je sais que je ne le reverrais pas de sitôt.
Le soir, je vois ma cousine dans un bar en ville.
Elle veut tout savoir de mon week-end à Campan. Elle est vraiment heureuse pour moi. Jadore ma cousine Elodie.
« Alors, quest-ce que tu avais à mannoncer de si mystérieux ? » je finis par lui demander, alors quelle semble tourner autour du pot.
Elle sourit, elle prend une grande inspiration, et elle me balance :
« Je suis enceinte ».
« Quoi ? »
« Tu es la première personne à qui je le dis ».
Je suis assommé. Je narrive pas à réaliser que ma cousine va être maman.
« Mais de combien ? ».
« Mais non, je blague ».
« Conasse ! Alors, crache le morceaux ».
« Regarde » fait-elle, en me montrant une bague avec un petit diamant.
« Elle est belle. Tu voulais me voir juste pour mannoncer que tu as une nouvelle bague ? ».
« Mais quil est con ! Philippe a fait sa demande le week-end dernier ! ».
« En mariage ? ».
« Non, en divorce ! ».
« Déjà, après deux mois à peine ? ».
« Oui, je sais, cest rapide, mais cétait une évidence entre nous. Je nai jamais été aussi bien avec un gars. Et Dieu sait que jai fait un certain nombre de crash tests
et puis, au pieu
».
« Ok, ok, jai compris ! je suis très content pour vous, pour toi ».
Je me lève et je mapproche delle pour lui refaire la bise et la serrer fort dans mes bras.
« Je vais me marier mais ça ne doit rien changer à notre relation. Tu seras toujours mon petit cousin adoré et je serai toujours là pour toi ».
« Jespère ».
« Tu peux y compter ».
« Vous allez vous marier quand ? ».
« Au printemps ».
« Cest génial ».
« Je sais que cest un peu tôt, mais jai un truc à te demander ».
« Cest quoi ? ».
« Je ne me vois pas proposer à quelquun dautre que toi dêtre mon témoin ».
Je suis tellement touché que jen perds mes mots.
« M-m-moi ? » je finis par bégayer.
« Oui, oui, toi. Tu es la personne dont je suis la plus proche, et tu es un gars formidable ».
« Jaccepte avec plaisir ».
« Et il est bien évident que le témoin préféré de la mariée est invité à venir accompagné du gars qui le rend heureux ».
« Si seulement je pouvais te dire que ce sera possible ».
« Ca le sera peut-être dici-là ».
« Jaimerais bien ».
« Cool. Cest une affaire qui roule, alors. Sinon » elle enchaîne sans transition « je crois savoir que demain est un jour spécial pour toi ».
« Mon anniversaire
».
« Tiens » fait-elle, en sortant de son grand sac un paquet cadeau coloré et en me le tendant.
« Je tai offert un peu de lecture. Jai découvert cette saga il y a deux ans et jai vraiment accroché » elle mexplique pendant que je défais le paquet. Je découvre alors un coffret contenant trois livres en format poche.
Harry Potter à lécole des sorciers.
Harry Potter et la chambre des secrets.
Harry Potter et le prisonnier dAzkaban.
Jai bien sûr entendu parler de cette saga. Mais je ne me suis pas encore penché sur le sujet. Jattendais la sortie du premier film qui est annoncée pour la fin de cette année.
« Merci beaucoup ma cousine ».
Je ne le sais pas encore, mais je suis à la veille de découvrir une saga prenante et qui me tiendra en haleine pendant près de 10 ans, jusquau dernier tome et jusquau dernier film.
« Ourson ».
Un peu plus tard dans la soirée, un nouveau coup de fil de mon bobrun vient égayer mon présent.
« Ptit loup ».
Et là, petit loup me raconte quil a été reçu par le président du club, qui lui a glissé une grande enveloppe avec un contrat mentionnant un très bon salaire et dautres avantages. Comme par exemple un appartement payé par le club, et dont il prendra possession dans quelques semaines.
« Et tout ça pour foutre quatre coups dans un ballon ! » il sextasie.
« Fais gaffe à toi, Jérém. Tu te souviens des mots de Daniel, à Campan ? Fais gaffe à ne pas te blesser ».
« Yes, ourson ».
« Tes sorti avec tes nouveaux potes, hier soir ? ».
« Oui, on a un peu fait la fête. Heureusement quaujourdhui je navais pas entraînement. Ils sont sympas, mais, putain, quest-ce quils sont fêtards ! ».
Je prends sur moi pour ne pas lui demander comment ça sest passé, sil a été sage. Je ne veux pas lagacer. Et pourtant, à chaque fois quil me parle de ses nouveaux potes, je ressens comme une piqûre au ventre. Je pense à la promiscuité des vestiaires, aux regards, aux envies que cela peut faire naître, aux douches, aux corps qui seffleurent, aux envies que cela peut faire grandir.
« Tu me manques, ptit loup » je tente de me rassurer.
« Toi aussi, toi aussi ».
Le vendredi, je passe mon temps à essayer de le temps. Jérém me manque de plus en plus.
Thibault aussi me manque. Je ne sais pas pourquoi, mais ce matin je me suis réveillé avec la conviction quil mappellerait.
En me levant, jai repensé à toutes les fois où nous avions pris un verre ensemble, où il mavait soutenu, où il mavait conseillé pour mieux comprendre mon bobrun. Jai repensé à sa douceur, à sa bienveillance, à sa droiture. Je narrivais pas à croire que ça se terminerait de cette façon. Jai attendu son coup de fil pendant toute la journée, en me donnant des créneaux probables. Midi, lheure du repas, 18 heures, la fin probable de ses entraînements, 20 heures, le repas du soir, après 20 heures et jusquà minuit, la soirée. Chacun de ces « créneaux » est venu et est passé sans que rien ne se passe. Jai souvent regardé mon téléphone, mais il est resté muet. Pendant la soirée, le moment où il aurait pu difficilement me dire une fois de plus « je suis pas mal occupé » ou « je dois y aller » jai eu envie de faire un nouvel essai, de le rappeler. Je nai pas eu le courage. Il ma bien fait comprendre quil navait pas envie de me voir. Et, certainement, quil navait non plus envie que je lappelle.
Jai également passé ma journée à attendre le coup de fil de Jérém. Je me doutais que je naurais pas de ses nouvelles pendant la journée. Jérém nest pas très « sms ». Lécriture cest pas vraiment son truc. Je le vois au fait quil met des plombes à répondre à mes messages, je le vois au fait quil préfère appeler plutôt quécrire. Jimagine que pendant la journée il na pas trop le temps de passer des coups de fil. Ces contacts espacés créent un manque de plus en plus fort. Mais je sais que je ne peux rien y faire.
Alors, jai pris mon mal en patience et jai attendu le soir pour entendre sa voix. Jai attendu, longtemps. A 22 heures, toujours pas de coup de fil de Jérém. Je décide de lappeler.
Il ne répond pas. Je tombe sur sa messagerie. Rien que sa voix enregistrée me fait vibrer et mexcite. Ça minquiète aussi. Pourquoi il ne ma pas appelé ce soir ? Je laisse un message qui finit par « Rappelle-moi, tu me manques trop ptit loup ».
Une heure plus tard, toujours pas de nouvelles. A minuit non plus. Je me dis quil a encore du sortir faire la fête avec ses potes. Comme hier soir déjà. Mais ce soir, il a oublié de me donner de ses nouvelles. Je ne peux mempêcher de me demander si ses nouveaux potes sont déjà en train de léloigner de moi.
Je finis par mendormir, pour la première fois sans nouvelles de mon Jérém depuis Campan.
Lorsque je me réveille le lendemain matin, samedi, de bien bonne heure, je trouve un message envoyé à 2h36.
« Jai bu un coup avec pote, je rentre là ».
Me voilà à la fois rassuré et inquiet. Il ne lui est rien arrivé, cest le plus important. Mais en même temps, me voilà pris de court par les évènements. A peine il débarque sur Paris, il sest déjà fait de nouveaux potes, avec qui il sort, il fait la fête, avec qui il va ment croiser des nanas. Et ces nouveaux potes, ils sont comment ? Est-ce quils sont tous hétéro purs et durs ? De toute façon, Jérém est le genre de bogoss atomique capable de susciter bien de vocations, le genre de bogoss capable de rendre lhétérosexualité une notion bien mouvante, rien quen le côtoyant. Alors, en le voyant à poil dans un vestiaire
Quant à Jérém, il connaît désormais très bien le plaisir entre garçons. Il a franchi le pas avant moi, et avec moi, il a exploré une vaste palette de cette sexualité. Il assume de plus en plus ses envies. Est-ce quil saura résister à la tentation masculine à laquelle il sera confronté ? « Je ne suis pas pd, moi ». Ça a bon dos. Il a quand même couché avec Thibault, son meilleur pote, non ?
Arrête ça, Nico, tout de suite. Julien a raison, si tu commences à cogiter comme ça, tu vas devenir fou. Il est juste sorti prendre un verre pour ne pas rester seul dans son coin. Il est naturel et sain quil se fasse de nouveaux potes, surtout parmi les gars avec qui il va partager laventure du rugby pro.
Jattends 8 heures pour lui envoyer un message.
« Bonjour le fêtard, ça va ce matin ? »
Une minute plus tard, le téléphone sonne.
« Bonjour, Ourson, ça va ? ».
Ça me fait plaisir dentendre sa voix. Même si elle est pâteuse et traînante, comme sil avait la gueule de bois.
« Bonjour, ça va, oui. Cest toi qui as lair fatigué
».
« Laisse tomber, les gars cest de vrai fous. Ils nen avaient jamais assez. Je suis rentré très tard. Je suis complètement en vrac ».
Puis, il enchaîne, sans transition :
« Bon anniversaire Nico ».
Sur le coup, je suis surpris.
Depuis mon réveil, je navais même pas encore percuté quon était samedi et que je fêtais mes 19 ans. Mais Jérém y a pensé. Il y a pensé, putain, il y a pensé ! Mon cur se vide instantanément de toutes les pensées négatives dun instant davant et se remplit dune joie intense.
« Merci, Jérém, merci beaucoup ».
Je suis ému aux larmes.
« Tu vas faire la fête ? » il me questionne.
« Non, je nai rien prévu. Je pense que maman fera un gâteau ».
« Si jétais là, je te ferais bien la fête ».
« Je ne dis pas que je nen ai pas envie
».
« Putain, moi aussi jai trop envie
».
« Rien que dentendre ta voix jai envie de te faire jouir ».
« Tes un petit coquin, toi
».
« Pas plus que toi
».
« Quest ce que cétait bon à Campan ! » je lentends soupirer.
« Je ne te le fais pas dire ! Je te ferais bien une petite gâterie là ».
« Je suis presque à la bourre, là. Il faut que je me lève, que je prenne ma douche. Il faut que jaille à lentraînement ».
Jai envie de prendre la douche avec lui.
« Jespère que ça va aller ».
« Ca va aller, aujourdhui je vais juste faire de la muscu ».
Soudain, rien que le fait de limaginer en débardeur en train de transpirer en soulevant de la fonte me fait bander. Jai les tripes en feu à force davoir envie de le faire jouir. Dautant plus que limage de la salle de muscu me renvoie à un souvenir des plus torrides avec mon Jérém.
Je bande instantanément.
« Tu te souviens du soir où tu mas fait venir à la salle de muscu au terrain de rugby ? ».
« Oh que oui
».
« Le soir où tu mas baisé la bouche sur la table du développement couché, en prenant appui sur la barre ».
« Cétait excitant à mort ».
« Et après une cigarette, tu mas pris sur la table de massage ».
« Je me souviens très bien, cétait booooooon !!! ».
« Putain que oui, cétait bon ! » je confirme.
Cétait lépoque où sa tendresse me manquait à en crever. Une époque où le cur du bobrun me semblait totalement inaccessible. Ah, putain, mais cétait aussi lépoque où je nétais que son objet sexuel, où il me baisait comme et quand lenvie lui en prenait, sans apparemment se soucier de mes envies à moi. Lépoque où je découvrais la puissance de sa virilité, son incroyable endurance, ses attitudes de petit macho à la queue bien chaude. Jai envie de sa queue. Jai envie de le faire jouir. Jai envie de son jus de petit mâle. Je bande dur. Je me caresse. Jai envie de me branler. Je ne peux pas men empêcher. Je sens que je vais devoir aller au bout.
« Tes un sacré mec, toi
un sacré mâle
quest-ce que tu mas fait jouir depuis quon couche ensemble
» je commence à le chauffer, alors quune idée saugrenue traverse mon esprit.
« Tu me fais vraiment de leffet. Et ton petit cul, cest le pied ».
« Tu laimes, mon cul, hein ? ».
« Laisse tomber, rien que dy penser je bande ».
« Quest-ce que tu as envie de lui faire à mon petit cul ? ».
« De bien le secouer et de lui gicler dedans
».
Jadore lentendre dire ça. Je ne men lasse pas. « Bien le secouer et lui gicler dedans ». Dautant plus que je ressens dans sa voix une excitation grandissante. Jai envie de lui, jen crève. Et son envie à lui décuple encore la mienne. Rien quen entendant sa voix, son excitation, sa façon de me parler de son envie dêtre « le mâle », cest comme sil était en moi en train de me limer. Mon trou se contracte, un frisson dexcitation y prend naissance et se propage dans tout mon corps. Sept cents bornes nous séparent, et pourtant ce beau mâle arrive presque à me baiser par téléphone interposé. Je suis à lui.
« Tes encore au lit ? » je le questionne.
« Oui, pourquoi ? ».
« Tu es nu ? ».
« Presque ».
« Tu portes quoi ? ».
« Un débardeur ».
« Blanc ? ».
« Oui ».
« Tu dois être sexy à mort ».
« Je pense » il lâche, coquin.
Mon excitation grimpe en flèche.
« Tu bandes ? ».
« Oui ».
« Bien dur ? ».
« Tu connais ma queue ».
« Elle doit être raide comme un piquet ».
« Pire que ça ».
« Tu te branles ? » je le questionne.
« Il se pourrait
».
« Quest ce que jai envie de la toucher ».
« Moi jai plutôt envie que tu la suces ».
« Jen crève denvie ».
« Tu te branles aussi ? ».
« Grave ! ».
« Tu me ferais quoi si tétais là ? » il me questionne à son tour.
« Je te sucerais jusquà te rendre fou, je prendrais ton gland bien au fond de la gorge, comme tu aimes ».
« Ah oui
».
Je sens que son excitation grimpe de seconde en seconde, déchange en échange. Alors jinsiste, je le chauffe à bloc.
« Et puis je le lècherais les tétons ».
« Hummmmmm ».
« Et les couilles, tout en te branlant ».
« Aaaahhhhh ».
« Et aussi le trou ».
« Oooohhhh ouiiiiii ».
« Cest bon, ça, hein ? » je le cherche.
« Laisse tomber, tu me fais mouiller le gland ».
« Jai bien envie de goûter à ça ».
« Jai bien envie de sentir ta langue jouer avec mon gland ».
« Je ne me ferais pas prier ».
« Et après ? » il veut savoir, alors que ses ahanements me donnent la mesure de son excitation extrême.
« Après, je toffrirais mon cul. Parce que je sais que tu as envie de lui gicler dedans ».
« Oh que oui
».
« Si tu étais là tu jouirais dans mon cul ? ».
« Oh oui, mais dabord dans ta bouche parce que sinon ça va venir trop vite ».
« Javalerais tout ».
« Cest bon ça
».
« Et après tu pourrais me prendre ».
« Et sentir ton cul bien chaud qui enserre ma queue ».
« Et me remplir
».
« Et te remplir le cul, oui
oh
oui
».
Soudain, jentends ses ahanements semballer.
« Je vais jouir » il mannonce, la voix déjà cassée par lorgasme ravageur.
« Fais toi plaisir » je lâche, ne pouvant faire autre chose que lui donner ma bénédiction. Jaimerais tellement au moins le voir jouir, faute de pouvoir le faire jouir. Mais le fait de navoir que le son de son orgasme, le fait de lentendre jouir au téléphone, dentendre ses râles de plaisir est quand même terriblement excitant.
« Cest malin, jen ai foutu partout sur le torse, jusquau cou » il lâche, après un instant de silence.
Soudain, jimagine sa peau mate, ses abdos, ses pecs, brillants de son sperme odorant et chaud, les poils du torse humides.
Je me branle toujours.
« Quel gâchis ! Jai envie de tout lécher ».
« Je te laisserais bien faire
même si tout ça serait bien mieux dans ta bouche ou dans ton cul ».
« Ca cest clair ! ».
Jai tout juste le temps de terminer ma phrase lorsque je ressens une onde de plaisir prendre naissance dans mon bas ventre, se propager dans mon corps, embraser chacune de mes fibres et submerger ma conscience. Et mon torse reçoit à son tour de bonnes traînées de sperme chaud.
« Tas joui aussi ? » il demande.
« Oui ».
« On est fous ! ».
« Cétait trop bon ».
« Cest vrai. Mais ce serait tellement mieux en vrai ».
« Je sais. En tout cas, cétait un beau cadeau pour mon anniversaire ».
« Je ne tai même pas offert de vrai cadeau ».
« Tu men as fait plein. Ton coup de fil la semaine dernière pour minviter à Campan était un énorme cadeau. Les quelques jours à Campan, les plus beaux de ma vie, cétait un autre, immense cadeau. Et ta chaînette ».
« Tu la portes toujours ? ».
« Oui, bien sûr ! ».
« Tu laimes bien, hein ? »
« Je laime trop. Quand je la sens glisser sur ma peau, jai un peu limpression dêtre avec toi, et que tu es avec moi. Et que tu es
en moi
».
« Me tarde de te voir ».
« A qui le dis-tu ».
« Il faut que jaille à la douche maintenant ».
« Bonne douche alors, et bonne journée ».
« A toi aussi, ourson ».
« Je taime, ptit loup ».
Je viens de raccrocher et je sens remonter en moi la douce fatigue, lapaisement total qui suit lorgasme. Je laisse mon corps en profiter, je laisse chacun de mes muscles se détendre. Jessuie mon torse, je tire les draps. Je me laisse glisser vers un délicieux sommeil matinal déclenché par le plaisir. Ça fait du bien de commencer la journée en jouissant. Même si je préférerais 10.000 fois commencer la journée rempli de sa virilité et de son sperme.
Jai le sourire aux lèvres. Parce que ce petit partage sensuel à distance, parce que les mots de Jérém mont rassuré quant au fait que les bonnes ondes de Campan résistent à la distance. Par ce coup de fil, jai retrouvé exactement le même Jérém que jai laissé trois jours plus tôt. Il lui tarde de me revoir. Je suis bien. Je suis heureux. Et je mendors comme un bébé.
Lorsque jémerge, il est presque 10 heures. Sur mon tél, un message de ma cousine :
« Bon anniversaire, cousin ! ».
« Bon anniversaire ! » maccueille maman lorsque je la rejoins dans la cuisine.
Je passe la matinée à écouter de la musique et à avancer mon récit sur mon séjour à Campan. Je prends un plaisir fou à essayer de faire revivre sur papier ces jours inoubliables, à transcrire les répliques, à décrire les personnalités de ces gens hors du commun qui mont tant touché. Mais ce qui me donne le plus de plaisir, cest de raconter les gestes, les mots, les regards, les attitudes, lamour de mon Jérém. Je veux fixer ces souvenirs, je ne veux pas les laisser seffacer de ma mémoire. Un peu plus tard dans la journée, jaurais des photos. Mais il ny a que les mots pour retranscrire mes états desprits, mes ressentis, mon bonheur.
Midi arrive très vite, on déjeune à 13 heures. Maman a fait un gâteau à la meringue, garni de grains de grenade et de groseilles. Mon préféré. Il était délicieux. Je suis un garçon comblé. Presque gâté. Lorsque je sors de table, il est lheure du rendez-vous avec mes souvenirs photographiques.
[Les paragraphes qui suivent contiennent à nouveau des expériences que notre époque à oubliées. Alors, enjoy-it, lol].
A 14 heures pétantes, je franchis la porte du magasin. Je file au comptoir photo. Je mimpatiente pendant que la nana parcourt les dizaines denveloppes en attente sans trouver la mienne.
« Je crois quelles ne sont pas prêtes, il faudra repasser mardi ».
« Mardi ? » je demande, ahuri.
Mais putain, mardi cest dans trois jours, c'est-à-dire une éternité, je ne vais pas pouvoir attendre jusquà là. Mais cest même bien pire que ça ! Lundi soir je pars à Bordeaux et je ne pourrai passer les chercher que dans deux semaines au mieux ! La déception et la frustration semparent de moi. Je ressens du dépit, du désespoir, de la tristesse. Je ne vais pas pouvoir tenir jusquà là ! Au secours !
« Vous êtes sûre quelles ne sont pas arrivées » jinsiste.
« Attendez
ah, si, les voilà ».
Putain, tu pouvais pas mieux regarder dentrée, et éviter de me faire une frayeur ?
Elle me tend la précieuse enveloppe avec un geste machinal. Comme si elle me passait un chiffon sale, et non pas un objet dune valeur inestimable.
« Génial. Merci beaucoup ».
Je latt et le simple contact avec lenveloppe, son poids dans mes mains me rendent déjà heureux.
« Sinon, si vous voulez des photos instantanées, nous avons des appareil Polaroïd. Et au rayon électronique, ils ont de nouveaux appareils numériques ».
« Non, merci, jaime bien les vraies photos. Bonne journée ».
Je sors du magasin en vitesse, impatient de découvrir le résultat. Impatient de revoir mon Jérém. Je me pose sur un banc de la place Wilson. Jessaie douvrir lenveloppe, mais mon impatience me rend la tâche plus difficile que prévu.
Jy arrive enfin, et je sors le petit paquet de photos avec un soin extrême, comme sil sagissait dun objet sacré.
Et là, paf, première claque, je tombe sur une photo de mon Jérém à cheval, le torse droit comme un I, une façon bien virile de tenir les rênes, le regard concentré, le sourire aux lèvres. Beau comme un dieu. Je feuillète, les mains tremblantes.
Quelques photos de paysage, magnifiques. Une autre photo de Jérém, en train de brosser Unico. Il est légèrement penché en avant, le biceps visible bien bandé, tirant dangereusement sur la manchette de son t-shirt gris un peu souillé, les cheveux bruns en bataille, la chaînette qui était encore la sienne pendant dans le vide, le regard fixé sur son étalon. Le bogoss en mode nature, en mode campagne, en mode montagne. Loin du mec toujours bien soigné de Toulouse, cest le bogoss sans artifices. Simplement et naturellement beau, comme une évidence.
Une autre photo de Jérém à cheval, complètement ratée.
Une autre, prise pendant la première soirée au relais de lasso de cavaliers. Jérém est à côté de Charlène, un sourire magnifique sur son visage.
Encore une photo floue de Jérém. Grrrrr !!!
Deux photos « à oreilles », des paysages signés par la présence des extrémités poilues de ma monture. Encore Jérém à cheval, sexy à mourir, qui regarde lappareil, et celui qui a pris la photo (moi, en loccurrence) dun regard doux et touchant.
Encore des paysages.
Le tas de photos à découvrir samoindrit dangereusement. Mais pourquoi jai fait autant de photo de paysages ? Pourquoi je nai pas fait plus de photos de mon Jérém ?
Cest là que je tombe sur LA photo qui me tire les larmes. Jérém et moi, à cheval, lun à côté de lautre.
Notre toute première photo ensemble. Et en plus, elle est très belle. La lumière est époustouflante, les couleurs magnifiques, la mise au point parfaite. Cest la plus belle de toutes. Je ne suis peut-être pas objectif, mais pour moi, cest la plus belle de toutes. Jérém est souriant, il a lair vraiment bien. Et moi, je suis fou de bonheur. Cétait le plus beau moment de ma vie. Ça transpire de la photo, ça crève les yeux. Je ne peux retenir mes larmes.
Des larmes dont lintensité monte encore au fil des photos suivantes. Car Charlène nen a pas fait quune, elle en a fait trois, comme pour bien immortaliser ce beau moment. Trois photos, identiques à quelques détails près, comme des variations sur un même thème de bonheur absolu. Merci Charlène, merci infiniment. Soudain, je me sens bête de ne pas avoir pensé à demander le numéro de Charlène, jaurais vraiment voulu la remercier et lui envoyer le double de quelques unes de ces photos.
Me voilà désormais lheureux possesseur dune poignée de photos de mon Jérém. Au final, la moisson photographique na pas été mauvaise. Je retourne dans le magasin pour laisser les négatifs pour un deuxième tirage. Joffrirai ces photos à mon Jérém à la première occasion où nous nous reverrons. Il me tarde !!!
Jai passé le reste de la journée à essayer dimaginer à chaque instant ce que mon bobrun est en train de faire. Est-ce quil est sur le banc de muscu ? Est-ce quil déconne avec ses nouveaux potes ? Est-ce quils le matent ? Est-ce quil les mate ? Quest-ce quil va faire ce soir ? Sortir encore ? Où ? Est-ce quil va se faire draguer par des nanas ? Cest inévitable. Est-ce quil va savoir dire non ? Est-ce que Julien a raison, quil faut laisser faire et juste exiger quil se protège ? Le fait est que nous navons pas parlé de cela. Comment en parler, dailleurs ? Sujet délicat, et auquel je nai même pas pensé dans le bonheur de Campan. Dans ma naïveté, je me disais quon saurait nous attendre sagement. Mais Julien ma ouvert les yeux. De toute façon, cest facile à comprendre et à concevoir. Une bombasse comme Jérém, lâché dans la jungle sexuelle parisienne, au milieu de requins et surtout de requines, est une « proie » de choix. Comment jai pu être aussi naïf pour croire quil tiendrait ?
Oui, jaurais lui parler de protection, de capote. Je pourrais lui en parler au téléphone. Mais comment aborder le sujet sans paraître relou ? De plus, jai limpression que lui en parler, serait comme lui donner le feu vert pour quil vive des aventures. Dun autre côté, le fait de ne pas lui en avoir parlé, cest ne pas savoir à quoi mattendre.
Je tente de me rassurer en me disant que je pense quil va se protéger, il ma dit quil se protégeait. Je me souviens de sa capote volée de son jeans le dernier jour où il était venu chez moi, avant quon se bagarre, lorsquil mavait avoué quil couchait avec une nana mais « quil se protégeait ». Je me souviens que le fait dapprendre quil se protégeait mavait fait une belle jambe. Le fait de savoir quil couche ailleurs, même avec capote, mavait brisé le cur. Et même aujourdhui, malgré les mots très sensés de Julien, lorsque jessaie dimaginer mon bobrun coucher ailleurs, même avec une capote, jai le ventre en feu et je ressens une colère sourde mais dévorante semparer de mon esprit et de mon corps.
Voilà des idées qui monopolisent mon esprit ce samedi après-midi-là.
Heureusement, de temps à autre, dautres pensées remontent à ma conscience.
Des pensées plaisantes, comme le souvenir de lannonce du mariage de ma cousine, et le marque de sa grande considération à mon égard en me demandant dêtre son premier témoin. Ça me touche vraiment.
En rentrant à la maison, je montre les photos à maman.
« Tu as fait du cheval ! ».
« Cétait génial ! ».
Lorsquelle tombe sur les photos de Jérém et moi, elle me dit :
« Vous êtes beaux tous les deux. Et vous êtes bien ensemble, vous avez lair tellement heureux ! ».
« Ça se voit tant que ça ? ».
« Ça crève les yeux ! ».
A 18 heures, je reçois un coup de fil de mon pote Julien. Il minvite à sortir le soir même, avec lui et dautres potes à lui ».
« On va se faire une virée au Shangay pour fêter ton départ pour Bordeaux ».
« Je vous paierai un coup à boire, cest mon anniversaire ».
« Alors il faut faire la fête ! ».
« Cest clair ! ».
Comme il ny a personne en boîte de nuit avant minuit, la soirée commence dans un bar du centre-ville. Mon pote Julien est sur son 31, avec une petite chemise blanche avec le col et les bords des pans de couleur bleue, bien ajustée à son torse, les deux boutons du haut ouverts sur la naissance de ses pecs, un beau jeans délavé, des chaussures de ville, le bronzage impeccable, le sourire ravageur. Bref, élégant, charmeur et excessivement sexy.
Et puisque lune des lois régissant lUnivers, du moins le mien, est celle selon laquelle « le bogoss attire des potes bogoss », ses deux potes ne sont plutôt pas mal non plus. Vraiment pas mal. Jérôme, cest un blond un peu costaud, mais drôle et charmant. Quant à Adil, cest un bon spécimen de ce que la reubeuterie peut offrir de sexytude un peu sauvage et fort virile. Et pourtant, son apparence dégage une certaine douceur, tout comme ses gestes, sa façon de parler et le ton de sa voix. En fait, ce gars est à la fois très mec et puits à câlins.
Autour des bières, jécoute les potes discuter de voitures, de nanas, de foot. Que des sujets qui me passionnent. Me voyant un peu à part, Julien décide de porter un toast à mes études à venir à Bordeaux. Et là, à ma grande surprise, le bogoss Adil me demande quel cursus je vais suivre. Lorsque je mentionne le cursus de Sciences de la Terre et de lEnvironnement, il me répond quil est en troisième année en sciences naturelles. Alors, pendant que Julien et Jérôme discutent entre eux, Adil me raconte son entrée à la fac, il me parle de ses rencontres, de sa passion pour les études, de comment il a dû se battre pour suivre cette voie alors que sa famille le poussait à bosser dès la fin du lycée. Il me parle de ses difficultés, de son manque de temps pour les études à cause du boulot de livreur quil est obligé de garder en parallèle pour payer ses frais.
Son récit me donne la mesure de la chance qui est la mienne. Je naurais pas besoin de bosser pour me payer la fac. Du moins pas les premières années. Alors quil y a plein détudiants qui y sont obligés.
Je lui pose des questions sur la vie à la fac, il me répond généreusement. Cest génial de pouvoir partager lexpérience des autres. Ça maide à appréhender plus sereinement la nouvelle vie qui sera la mienne dans tout juste 48 heures.
Adil me parle aussi de ses projets futurs, une Maîtrise pour être enseignant et/ou chercheur. Il vise haut le beau gosse. Jaime beaucoup son parcours détudes et de vie. Adil est très sympa et il a lair dun mec bosseur, droit dans ses baskets. Je ressens de ladmiration pour ce gars.
Il est environ 23h30, nous sommes toujours en train de discuter, lorsque quelque chose dinattendu se produit. Mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Mon cur fait un sprint de 80 à 1000 bpm en une fraction de secondes. Je nai pas besoin de regarder le petit écran pour savoir qui essaie de me joindre.
Jérém. Je ne mattendais pas à quil mappelle ce soir, et encore moins à cette heure. Je laisse vibrer, jusquà ce que la vibration sarrête. Et alors que Julien entraîne Adil dans une nouvelle conversation, jen profite pour sortir dans la rue et rappeler mon bobrun.
« Ourson ! » je lentends sexclamer, en guise daccueil affectueux.
« Petit loup ! ».
« Tu dormais déjà ? ».
« Non
».
« Tu fais quoi ? ».
« Je suis sorti prendre un verre ».
« Seul ? ».
« Non ». Et là je prends peur. Je réalise que Jérém ma déjà fait une sorte de scène de jalousie au sujet de Julien. Si je lui dis que je suis avec lui et ses potes, il va simaginer des choses qui ne sont pas vraies. Jai peur quil croie que je vais voir ailleurs. Je suis bien placé pour savoir comment la distance peut exacerber la jalousie. Je ne veux pas quil se pose des questions et quil y réponde en prenant de la liberté de son côté. Alors, je choisis darranger un peu la réalité. Un petit mensonge sans conséquence est parfois préférable à une vérité qui peut soulever des doutes.
« Je suis sorti prendre un verre avec ma cousine » je me prépare à lui dire.
Mais je nai pas le temps dénoncer mon petit arrangement avec la réalité, je viens tout juste de prononcer le mot « avec » que jentends dans mon dos la voix de Julien, bien claire et portante mannoncer :
« Allez Nico, gourre, on file au Shangay
ah pardon
tes au téléphone
».
« Cest qui ce mec ? » jentends illico Jérém me questionner. Me voilà soudainement mis en porte à faux.
« Cest
Julien
le moniteur dautoécole ».
« Celui que jai croisé avec toi lautre soir ? ».
« Non, non, non, non, pas du tout. Lui je ne veux plus le revoir. Cest lautre moniteur, le blond, celui qui ma fait toutes les leçons de conduite. Tu las vu une fois quon sest arrêtés au feu devant la brasserie à Esquirol ».
« Tu fous quoi avec lui ? ».
« Il ma invité prendre un verre avec ses potes à lui ».
« Et il te veut quoi ? ».
« Rien, rien du tout. On est amis, cest tout. Je te promets. Jai bien le droit de faire une virée avec un pote
comme toi avec tes nouveaux potes ».
« Et avec ton pote tu vas au Shangay ».
Eh oui, il y a ce facteur « aggravant » dans lhistoire. Le Shangay est une boîte avec un espace dédié aux gays. Et Jérém le sait. Vu de lextérieur, et à distance, ça fait louche, en effet.
Je sens que Jérém fait la gueule. Je sens presque le bruit de ses questionnements.
« Je vais au Shangay pour danser et boire un coup. Je ne vais pas y aller pour draguer ».
« Jespère ».
« Tinquiète pas, cest toi que jaime, cest de toi que jai envie ».
« Je vais sortir moi aussi ce soir ».
« Je ne veux pas que tu penses à mal. Ce mec est hétéro à 200%. Et même sil était gay, je nai pas envie de coucher avec dautres que toi. Il ne faut pas que tu sois jaloux ».
« Je ne suis pas jaloux ».
« Je serai sage, je tattendrai, Jérém ».
« Je lespère ».
« Tu seras sage aussi ? ».
« On verra » fait-il sur un ton moqueur.
« Ne rigole pas stp. Tu seras sage ? ».
« Ouiiiiiiiii » il finit par lâcher, sur un ton agacé.
« Jai envie de te serrer contre moi ».
« Moi aussi ».
« Tu me manques ».
« Toi aussi ».
« Je taime petit loup ».
« Ne fais pas de bêtises ».
« Nen fais pas non plus ».
Dune part, sa jalousie me fait peur, car elle pourrait le motiver à faire de mauvais choix de son côté. Mais dautre part, quest-ce que ça fait du bien de savoir quil tient à moi !
Au Shangay, nous nous rendons évidemment dans la salle « hétéro ». Dès notre arrivée, Julien se met à draguer à tout va. Rien quavec le regard. Pétillant, coquin et charmeur. Et avec le sourire. Ravageur, magnétique, hypnotisant. Il a une facilité à aller vers les nanas, ou plutôt, à attirer les nanas vers lui, qui est époustouflante. Son sourire, à la fois solaire et carnassier, est un véritable aimant à gonzesses. On dirait mon Jérém six mois plus tôt, le soir où il a emballé deux nanas pour un plan à quatre avec son pote Thib.
Une demi-heure après notre arrivée, nous sommes assis à une table, en compagnie de plusieurs nanas. Comme dhabitude, Julien joue les clowns, il fait son pitre, il est drôle, il fait rire tout le monde. Son pote Jérôme lui donne la réplique et les nanas sont conquises. On dirait un couple comique. « Il y en a un qui épluche les oignons et lautre qui pleure » aurait dit Coluche. Adil, quant à lui, est plus discret, plus réservé. Mais non moins sollicité par les nanas.
La présence de toutes ces nanas ne menchante pas. Ce nest plus la même ambiance quau bar de tout à lheure. Là-bas, on était entre mecs, il ny avait pas tant de musique, on sentendait parler sans avoir besoin de crier. Et surtout, les mecs étaient en mode « soirée entre potes », alors que là ils ont basculé en mode « drague du samedi soir ». Et si je pouvais me connecter à eux dans la première configuration, il mest impossible de le faire dans la deuxième.
Une nana dont je nai même pas retenu le prénom commence à me parler, et très vite elle me pose des questions sur ma vie sentimentale. Je nai pas trop envie de causer. Et surtout pas de ma vie intime. Je nai pas la force de mentir non plus. Le petit échange avec Jérém de tout à lheure ma un tantinet perturbé. Mon esprit est happé par cet « impair » dont les conséquences me font peur. Je ne veux pas perdre sa confiance, parce que je veux pouvoir lui faire confiance.
Malgré mes réponses en format monosyllabique, la nana ne se décourage pas. Elle est collante. Je ressens clairement que si je voulais, ce soir je pourrais la mettre dans mon lit. Mais je ne veux pas. Cest la première fois quune nana me montre autant dintérêt. Oui, cest génial de se sentir désiré. Même quand le désir nest pas réciproque. Mais bon, au bout dun moment, elle commence à magacer.
Je crève denvie de lui crier que jaime les mecs. Mais je me dis que ça ne servirait à rien. Elle na pas besoin de savoir.
Il est une heure. Je décide daller danser pour me changer les idées. La nana me suit sur la piste. Elle se colle à moi. Jessaie de garder mon espace vital, elle nen a rien à faire, elle me marche sur les pieds. Sa présence magace. Dautant plus que son parfum mécure. Autant jaime les parfums de mec. Autant les parfums de fille, surtout quand ils sont trop insistants, je ne peux pas.
Jai envie de me barrer. Je cherche un prétexte pour lui signifier mon départ en la décourageant de proposer quoi que ce soit pour la fin de la soirée. Elle essaie de membrasser. Je mesquive.
« Je crois que je vais y aller ».
« Quest-ce quil y a, je ne te plais pas ? ».
Depuis quelques minutes, jai repéré au bord de la piste de danse un beau reubeu, très bien foutu, le regard viril, terriblement sauvage, limite agressif. Son visage est entouré dune belle barbe brune bien fournie, remontant bien haut sur les joues. Il porte une chemise blanche, les manches retroussées au-dessus de ses coudes, les deux boutons du haut ouverts, laissant dépasser une belle pilosité brune. Le mec dégage une puissance brute de mâle par laquelle je me sens attiré comme une aiguille par un aimant puissant, une puissance par laquelle mon instinct primaire me donne envie d'être secoué, défoncé et rempli jusqu'à plus de jus. Ce mec me fait terriblement penser au reubeu que javais maté une fois en boîte de nuit jusquà quil repère mon manège et quil vienne vers moi avec un air tellement menaçante quil mavait poussé à prendre les jambes à mon cou. Jai appris de mes erreurs, mes regards sont plus discrets ce soir.
Alors, avec ma chieuse de nana, je choisis de jouer la carte de la vérité.
« Tu vois ce mec là, avec la chemise blanche ? ».
« Tu le connais ? ».
« Non, mais cest le genre de mec que je kiffe à mort ».
« Ah mais tu es pd ».
« Gay ça me va mieux ».
« Ah, cest pour ça que tu ne veux pas de moi ».
« Certes. Mais aussi parce que tu es trop casse-couilles » je faillis lui balancer.
Au lieu de quoi, je me limite à un :
« Je vais vraiment y aller, là, je suis naze ».
Je la plante au milieu de la piste et je passe dire au revoir à Julien et ses potes.
« Donne des nouvelles quand tu es à Bordeaux ».
« Je ny maquerai pas ».
« Et quand tu passes sur Toulouse, sonne-moi ».
« Ok, merci beaucoup, merci pour tout ».
« De rien mon pote » fait-il, avec un grand sourire, en me serrant dans ses bras. Ah putain, comment ses pecs sont saillants et son parfum captivant !
« Et si tu as besoin de quoi que ce soit, nhésite pas » il ajoute.
« Merci. Toi aussi, si tu as besoin de quelque chose ».
« Bon courage petit mec »
« Au revoir Julien ».
Définitivement, ce gars est quelquun de vraiment adorable.
Avant de quitter le Shangay, je ne peux mempêcher de jeter un dernier regard au beau reubeu à la chemise blanche. Et de me dire que ce qui me fascine chez ce genre de mecs typés, cest la façon dont ils dégagent une virilité brute, incarnée avec une intensité inouïe.
Mais il y a aussi parmi eux, des mecs avec des origines maghrébines, des gars comme Adil, des mecs tout aussi virils, mais avec une tête à bisous.
Je rentre très vite à la maison. Pendant le trajet, puis dans mon lit, je me demande toujours et encore ce que Jérém est en train de faire. Si ce soir je me suis fait draguer par une nana, il doit se faire draguer par dix nanas. Est-ce quil va tenir bon ?
« Je suis rentré. Je pense très fort à toi ptit loup ».
Voilà le texte du sms que je décide de lui envoyer pour le rassurer, pour me rassurer.
Il est 4 heures lorsque je regarde mon téléphone pour la dernière fois. Et toujours pas de réponse de Jérém. Mais quest-ce quil est en train de faire ?
Le dimanche matin, je me réveille à 8 heures. Autant dire quaprès uniquement 4 heures de sommeil, je ne suis pas au top de ma forme. Et pourtant, impossible de me rendormir. Toujours pas de message sur mon téléphone. Je commence à minquiéter. Julien avait raison. Si au bout de quatre jours de distance jen suis déjà à ce stade de cogitations, quest-ce que ça va être dans deux semaines, dans quelques mois ? Il a raison, ça va me bouffer. Je devrais arrêter dy penser. Mais je ny arrive pas.
9 heures. Jai trop envie de lappeler. Il est trop tôt. Qui sait à quelle heure il est rentré. Déjà que le soir davant il est rentré à 2h30 du mat ! Il doit dormir. Pourvu quil soit rentré seul
10 heures, envie de lappeler, 11 heures, cest toujours trop tôt. Je ne veux pas le réveiller.
Midi arrive, déjeuner en famille. Une heure trente, est ce que je vais oser lappeler ? Non, pas encore.
Cest sur le coup de 15 heures que je trouve enfin le courage de composer son numéro. Et je tombe direct sur sa messagerie. Tout comme à 16 heures. Et à 17 heures. Putain, mais quest-ce quil fout ?
Putain, mais pourquoi jai accepté de sortir en boîte avec Julien ? Jai peur de lavoir blessé, peur quil croit que je couche ailleurs et quil se sente autorisé à coucher ailleurs.
Jaurais du rester à la maison hier soir. Il ny aurait pas eu dembrouille. Je sais que ce sont des considérations stupides. Je ne peux pas mempêcher de vivre. Dautant plus que lui aussi est sorti. Et cest bien normal. Doute et confiance, deux plats dune balance à équilibre instable.
Je fais une dernière tentative à 20 heures. Et là, mon Jérém décroche enfin.
« Oui
» il répond. Pas d« ourson » cette fois-ci. Quelque chose a changé.
« Salut petit loup, ça va ? ».
« Je suis naze ».
« Jai essayé de tappeler cet après-midi ».
« Javais le téléphone éteint ».
« Tu as fait quoi ? ».
« Jai dormi jusquà trois heures et je suis sorti manger un bout et faire un tour. Je nétais jamais monté à Paris ».
« Cool. Et hier soir, cétait bien ? ».
« On a beaucoup picolé ».
« Ah ».
« Et toi, tu tes amusé avec ton pote ? ».
« Cest un gars vraiment sympa. Mais au Shangay il a dragué trop de nanas et je suis parti assez tôt. Tas vu mon message ? ».
« Oui ».
Je le sens crispé.
« Jai été sage, tu sais. Je me suis fait draguer par une nana mais je lai envoyée bouler » je tente de le rassurer.
Je lui parle des photos que jai récupérées dans laprès-midi. Ce qui me donne loccasion de reparler de certains moments de Campan. Et là, je sens mon Jérém se décrisper peu à peu. Il évoque des souvenirs à son tour, nous retrouvons notre complicité petit à petit. Je suis ému. Car cette complicité est la joie la plus grande de ma vie. Sans elle, je serais bien malheureux.
« Jai un mal au crâne terrible » il mavoue « il faut que jarrête de sortir autant ».
Son ton est rassurant, je pense que lui aussi a été sage.
Lundi 17 septembre 2001.
Le lundi, je me réveille de bonne heure. Cest le grand jour. Ce soir je pars pour Bordeaux. Ce soir, commence ma nouvelle vie détudiant de fac. Ce soir, je vais prendre possession du petit meublé que je nai vu quen photo à lagence. Ce soir je vais me retrouver seul entre quatre murs en terre inconnue. Je vais dîner seul, je vais mendormir seul. Sans mon Jérém. Et sans la rassurante proximité de mes parents. Je suis à la fois excité et mort de peur.
Je passe la matinée à faire mes valises, et à remplir ma petite voiture. En fait, cest un petit déménagement. Maman me charge de vivres, comme si je devais tenir un siège de plusieurs mois. La nourriture est lune des voies principales empruntées par les mamans pour montrer leur amour.
Il est deux heures, je suis en train de ranger la dernière valise dans ma voiture, lorsque mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Je le sors vite mattendant un appel surprise de mon bobrun. Mais une surprise de taille mattend lorsque je regarde le petit écran indiquant avec insistance :
« Thibault ».
Mon cur fait là aussi un sprint digne de la fusée Ariane. Je narrive pas à croire quil mappelle. Soudain, jai les mains moites, le souffle court. Mais je ne peux pas rater loccasion. Je dois répondre. Je prends une profonde inspiration et je décroche.
« Salut Thibault ».
« Salut Nico, ça va ? ».
« Bien et toi ? ».
« Ça va. Alors, tu te prépares à partir ? ».
Il a retenu que je pars ce soir à Bordeaux. Ce mec est vraiment incroyable.
« Oui, je viens de ranger la dernière valise dans ma voiture ».
« Tas le temps de faire un saut chez moi pour un café ? ».
« Quand ? Vers quelle heure, je veux dire
».
« Maintenant si tu veux ».
« Jarrive ».
PS : je cherche un attaché de communication pour promouvoir mon histoire sur les réseaux sociaux et sur les sites de lecture. Je propose une rémunération indexée sur les revenus générés par Jérém&Nico. Merci de me contacter par mail : fabien75fabien@yahoo.fr. Fabien
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